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Ccoyllor Espinoza 

La chakra

Exposition
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Image
© Ccoyllor Espinoza

Ccoyllor Espinoza est une artiste et écrivaine qui travaille lentement et peu. Elle vit entre Montréal et la ferme de ses parents dans les Andes péruviennes.

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Dans son exposition, Ccoyllor Espinoza met en relation une vidéo et une série de dessins dans lesquels une vie rurale est appréhendée à travers le geste, le langage et la couleur. La vidéo est constituée d’un montage de scènes filmées dans la ferme familiale située dans les Andes péruviennes où, depuis peu, elle vit et travaille quelques mois par année. L’artiste capture avec son téléphone des instantanés de son quotidien, s’interrompant elle-même dans une tâche. La vie des animaux se mêle à une succession d’actions exécutées par son entourage avec, comme toile de fond, une végétation qui investit le cadre de l’image. On tresse, on écosse, on coupe, on hache, on bêche, on sème. L’emploi du noir et blanc tend à rendre ce récit sans narration à la fois intemporel et difficile à situer. Des mots en quechua apparaissent comme des flashs sur les scènes filmées. Habitée par cette langue sans vraiment la maîtriser, l’artiste tente de la refaire sienne en l’imprimant sur les images. Kutiy, le titre de la vidéo, se traduit par retourner, revenir, et est aussi employé pour indiquer aux bœufs de revenir sur leurs pas lors du labourage des champs. Et c’est précisément ce que fait l’artiste, elle retourne sur les lieux de son histoire, desquels elle a tourné cette vidéo, une fois revenue à Montréal. De cette dualité, émergent des mots en français sur fond blanc, pensés comme des poèmes, comme si cette seconde langue seule suffisait à produire des images pour le public. Le son dans ces fragments de vie rurale sans dialogues agit ici comme un fil conducteur dans les moments filmés : claquement de la machette, succion de la tétée, crépitement du feu. Kutiy brosse ainsi un portrait hors du temps à la chakra (qui signifie ferme en quechua) à travers son quotidien et le travail de la terre.—En parallèle de ce travail vidéo, des dessins monochromes au pastel sec révèlent des masses de couleurs terreuses et organiques : brique, chair, granit, herbe, terre. Si les ondulations rappellent des cavités, l’artiste ne cherche pas tant à représenter les paysages des Andes. Elle parle de la température des lieux et tente de raviver l’imprégnation que ces espaces laissent en elle. Dans les lignes et les textures se cachent parfois des figures humaines ou animales, tandis qu’un dessin figuratif se démarque de la série de monochromes. Dans un all over de végétation et d’insectes, l’œil exulte et ne sait plus où se poser. L’opulence de cette composition botanique est contrebalancée par le traitement en teintes de gris. Privé de couleur, ce dessin n’est pas sans rappeler la vidéo, tel un liant entre deux manières de donner à voir : le dessin et l’image-mouvement.

Ccoyllor Espinoza est une artiste et écrivaine qui travaille lentement et peu. Elle vit entre Montréal et la ferme de ses parents dans les Andes péruviennes.