CHANTAL GOULET—MARIE A. CÔTÉ—SYLVIE BOUCHARD—SYLVIE READMAN
RÉCIPROCITÉS
Une invitation de Michel Saint-Onge
Il y a un an, lors de la préparation de la programmation de la saison 2001-2002, année de commémoration de son 10e anniversaire, la Galerie B-312 se proposait d’inviter un scientifique pour concevoir une exposition en tant que scientifique. Elle avait alors à l’esprit cette triple question : comment la sensibilité du scientifique croise-t-elle celle de l’artiste ? comment l’artiste répondrait-il aux interrogations d’un scientifique tourné vers l’art ? et qu’est-ce qui peut être découvert au terme d’une telle expérience ? —C’est ainsi que, pour la 4e exposition des six programmées dans le cadre exceptionnel de son 10e anniversaire, et dans la continuité de ce projet d’explorer la porosité des frontières entre disciplines, la Galerie B-312 accueille Réciprocités, une exposition conçue par Michel Saint-Onge, physicien de profession. —Comment MichelSaint-Onge s’y est-il pris ? Il a tout d’abord reconnu dans le motif de la nature le trait que la science et l’art partagent depuis toujours. Mais il a aussi reconnu un autre trait que la science et l’art partagent, mais sur le mode de la différence cette fois ; il s’agit de l’incalculable. Cet incalculable que le scientifique tend à nier, l’artiste semble bien en prendre la mesure sur le mode poétique. Fort de cette intuition, Michel Saint-Onge persuada Sylvie Bouchard et Chantal Goulet toutes deux peintres, Sylvie Readman, photographe, et Marie A. Côté céramiste connue pour ses installations, d’exposer ensemble à l’horizon d’une observation toute scientifique : les changements qui témoignent de notre relation à la nature sont incalculables dans leurs effets.— Réciprocités vit alors le jour. L’exposition réunit des œuvres inédites, où l’on saura reconnaître la marque singulière que chacune des artistes dicte à la matière, la couleur et la lumière, à l’espace et aux objets qui le matérialisent, au temps et au passé qui en donne consistance. Mais parce que Réciprocités est issue d’un désir d’invoquer la pratique artistique pour évoquer la pratique scientifique, toutes les œuvres se doublent d’une constante : l’incalculable. Dans l’art, cet incalculable est circonscrit dans et par l’expérience esthétique que l’œuvre est capable d’offrir ; expérience dans laquelle le spectateur trouve justement l’occasion de prendre la mesure de cet incalculable. Dans la science, l’incalculable est offert à l’expérience uniquement sous la forme du risque qui est pris dans les mises en application des connaissances scientifiques. Réciprocités entrouvre ainsi un instant le voile de la beauté sur un trait de réel humain dans ce qu’il a d’on ne peut plus contradictoire : la mort figurée sous la forme du possible.
—JEAN-ÉMILE VERDIER